En trois applats
Mardi 24 décembre 2013
Coucher de soleil depuis la piazza Michelangelo
(Florence, septembre 2013)
Scintillement
Mardi 17 décembre 2013
Petit dialogue entre les rues, les couleurs et les villes du sud :
« Peinture grise de terminus des cars
verte de commissariat
marron de salon de coiffure le matin
blanc sale du dispensaire
à l’autre bout du port
couleur pistache de l’épicerie familiale
sols en plastique et chewing-gums écrasés
tables en formica rayé
plafonds lisses et poutres de béton
toutes choses de même teinte éclairées
par les mêmes tubes fluorescents.
D’où cet unique scintillement qui lie
Entre elles toutes les villes
Inconnues et lointaines du sud. »
Titos Patrikios, traduction de Michel Volkovitch, Les poètes de la Méditerranée : anthologie, Gallimard, « Poésie », p. 31
© Kedros Publishers ; © Desmos
Lune parisienne, 4
Lundi 30 avril 2012
Au dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.
Mais la lune blanche
la seule vraie lune
brille sur les calmes
cimetières des villages
Frederico Garcia Lorca, « Couleurs », Oeuvres complètes, tome 1, Gallimard, 1981
Traduction de André Belamich
Coup de coeur…
Dimanche 1er janvier 2012
… au salon de Montreuil pour ce livre-poème de Benoît Jacques. Il faut aller voir l’objet de papier et d’encres, les gravures magnifiques, les couleurs, le bandeau bleu qui entoure le livre… Et ça tombe bien, car c’est un joli message pour commencer l’année, avec un Monsieur qui est aussi un grand passeur, en édition, en gravure, en passion.
VIVRE
(un poème pour)
Chausse tes petites bottes
en plastique bariolé cours
aux écuries nourrir Eglantine
et Humphrey offre au passage
une poignée de granules aux
trois moutons peureux donne
des montagnes de graines aux
oiseaux en hiver hume le doux
parfum du tas de bois allume
le feu dans la cheminée croque
les pommes du jardine t les noix
du pré fais ce bon thé vert dans
la théière écarlate goûte ces
chocolats aux écorces d’orange
empile les livres sur ta table
de chevet traduis ce texte
en italien tape à toute vitesse
sur le clavier de ton ordinateur
glisse une main affectueuse
dans la fourrure du chat
protège tes secrets dans une
commode repeinte en doré
achète fruits et légumes auprès
de petits producteurs mange
un peu de tout et beaucoup
de rien prépare un poulet rôti
pour ton fils savoure cette
fraîche gorgée de vin blanc
garde précieusement ta machine
à coudre range soigneusement
tes numéros de La Hulotte
dans leurs étuis regarde
ce chef-d’œuvre de Miyazaki
blottie dans le veux sofa enfile
ton kimono vois comme la lune
est pleine cette nuit écoute
un air de musique country
entraîne-toi à la danse du ventre
montre-lui la roue et l’équilibre
emmène-le sur un rocher en
forêt le jour de son anniversaire
parle-lui des chevaux des heures
durant apprends-lui le chant
du rossignol enferme tous ses
cadeaux dans un grand coffre
au grenier ris de ses pitreries
ne jette pas au loin ses savates
chinoises dessine d’un doigt
délicat un sourire sur tes lèvres
prends-le dans tes bras.
Benoît Jacques, VIVRE (un poème pour), Benoît Jacques, 2011
Impulsion
Jeudi 22 décembre 2011
La Lluvia amarilla de Julio Llamazares garde pour moi un parfum particulier de vieilles pierres, de feuilles sèches, de bois, de fumée et de neige et de pomme mûre. Il me semble aussi que ces extraits ont leur place ici, car ils ont un rôle initiatique : je crois bien que c’est le premier roman que j’ai lu en espagnol, d’un bout à l’autre, sans flancher.
Le début du roman, qui plante le décor de ce village de montagne, aride, déserté, plein de fantômes et dont la sauvagerie me plaît :
Cuando lleguen al alto de Sobrepuerto, estará, seguramente, comenzado a anochecer. Sombras espesas avanzarán como olas por las montañas y el sol, turbio y deshecho, lleno de sangre, se arrastrará ante ellas agarrándose ya sin fuerzas a las aliagas y al montón de ruinas y escombros de lo que, en tiempos, fuera (antes de aquel incendio que sorprendió durmiendo a la familia entera y a todos sus animales) la solitaria Casa de Sobrepuerto. El que encabece el grupo se detendrá a su lado. Contemplará las ruinas, la soledad inmensa y tenebrosa del paraje. Se santiguará en silencio y esperará a que los demás le den alcance. Vendrán todos esa noche : José, de Casa Pano, Regino, Chuanorús, Benito el Carbonero, Aineto y sus dos hijos, Ramón, de Casa Basa. Hombres endurecidos todos ellos por los años y el trabajo. Hombres valientes, acostumbrados desde siempre a la tristeza y soledad de estas montañas. Pero, a pesar de ello –y de los palos y escopeta de que, sin duda alguna, han de venir armados–, una sombra de miedo y de inquietud envolverá esa noche sus ojos y sus pasos. Contemplarán también por un instante las paredes caídas del caserón quemado y, luego, el lugar que alguno de ellos señalará ya con la mano en la distancia.
A lo lejos, frente a ellos, en la ladera opuesta de la montaña, los tejados y los árboles de Ainielle, ahogados entre peñas y bancales, comenzarán ya entonces a fundirse con las primeras sombras de una noche que, aquí, contra el poniente, llega siempre mucho antes. Visto desde la loma, Ainielle se cuelga sobre el barranco, como un alud de losas y pizarras torturadas, y sólo en las casas más bajas –aquellas que rodaron atraídas por la humedad y el vertigo del río– el sol alcanzará a arrancar aún algún último destello al cristal y a las pizarras. Fuera de eso, el silencio y la quietud serán totales. Ni un ruido, ni una señal de humo, ni una presencia o sombra de presencia por las calles. Ni siquiera el temblor indefinido de un visillo o de una sábana colgada en el frontal de alguna de cualquiera de sus múltiples ventanas. Ningún signo de vida podrán adivinar en la distancia. Y, sin embargo, los que contemplen el pueblo desde las altas campas de Sobrepuerto sabrán que, aquí, entre tanto quietud, entre tanto silencio y tantas sombras, yo les habré ya visto y estaré esperándoles.
(…)
Beaucoup plus loin, le passage qui décrit cette fameuse pluie jaune métaphorique qui lave la mémoire du narrateur et s’infiltre dans tous es souvenirs, un passage qui m’a marquée et auquel je pense tous les automnes (le bruit de la chute des feuilles a désormais un chuintement espagnol pour les oreilles) :
Lentamente, las horas van pasando y la lluvia amarilla va borrando la sombra del tejado de Bescós y el círculo infinito de la luna. Es la misma de todos los otoños. La misma que sepulta las casas y las tumbas. La que envejece a los hombres. La que destruye poco a poco sus rostros y sus cartas y sus fotografías. La misma que una noche, junto al río, entró en mi alma para no volver ya nunca a abandonarme el resto de los días de mi vida.
Día a día, en efecto, a partir de aquella noche junto al río, la lluvia ha ido anegando mi memoria y tiñendo mi mirada de amarillo. No sólo mi mirada. Las montañas tambíen. Y las casas. Y el cielo. Y los recuerdos que, de ellos, aún siguen suspendidos. Lentamente, al principio, y, luego ya, al ritmo en que los días pasaban por mi vida, todo a mi alrededor se ha tiñendo de amarillo como si la mirada no fuera más que la memoria del paisaje y el paisaje un simple espejo de mí mismo.
Primero, fue la hierba, el musgo de las casas y del río. Luego, el perfil del cielo. Más tarde, las pizarras y las nubes. Los árboles, el agua, la nieve, las aliagas, hasta la propia tierra fue cambiando poco a poco el color negro de su entraña por el de las manzanas corrompidas de Sabina. Al principio, yo creía que aquello era sólo un delirio, una ilusión fugaz de mi mirada y de mi espíritu que se iría de nuevo igual que había venido. Pero aquella ilusión siguió conmigo. Cada vez más precisa. Cada vez más real y más firme. Hasta que, una mañana, al levantarme y abrir la ventana, vi las casas del pueblo completamente ya teñidas de amarillo.
Julio Llamazares, Lluvia amarilla, Seix barral, “Booket”, p.9-10 et 119-120.
La couleur des souvenirs
Jeudi 3 novembre 2011
A l’approche de quelques jours de repos, une grosse envie de couleurs et d’énergie pour rompre la grisaille de l’automne qui s’installe. Retour donc sur les bizarres chemins de la mémoire et la couleur des souvenirs liés à la mère, qui sont loin d’être en sépia chez Paule du Bouchet.
Il me semble que parler de ma mère, c’est parler de cette indicible épouvante, être seule. « Abandonnée », choc électrique, couleur encore vibrante de sa jupe rouge, silence. La fleur de ma mémoire est bien enclose dans un petit « pan de jupe rouge ».
Cet éclat rouge, c’est ce qui demeure de ma mère après que la porte s’est refermée. Ce à quoi, enfant, je me raccroche. Ce qui, évoquant de manière fulgurante son départ, invoque violemment sa présence. C’est l’image de ma mère, présence rouge, passionnée. Résurgence heureuse de tout un possible de tendresse, en même temps marque de mon désespoir.
Couleur du drame élaboré par ma mémoire, la « robe rouge » de ma mère était aussi celle que, semble-t-il, elle portait le jour de son mariage.
Paule du Bouchet, Emportée : récit, Actes Sud, p. 37-38
Pique-nique
Lundi 31 octobre 2011
Nappe de fête parée de bougies en bord de Seine
(Ile Saint Louis, Paris, 4e, août 2010)
Couleurs
Lundi 19 septembre 2011
L’antichambre du théâtre est déjà un lieu de magie évocatrice
Bistrot du Théâtre de l’Est parisien
Paris, mars 2011
Lumineux (de nuit), 2
Mercredi 24 août 2011
Et si on regardait la perspective dans l’autre sens ? Quand les rayures de Buren transparaissent sous les fards (phares ?) de la nuit en spirale électrique
Cerne rouge sur la ville, enfilade électrique
Ile de Nantes, février 2009
Cuirs
Lundi 25 avril 2011
Encore une image échappée de cette série sur les fouillis d’atelier du Viaduc des Arts…
Atelier de relieur, Viaduc des Arts
(Paris, février 2010)
Ballet
Lundi 11 avril 2011
Scène de bal en rubis et émeraude pour mimer l’affrontement entre les Capulet et les Montaigü, couples tourbillonnants, carrés de gentilshommes en armes… C’est le privilège des générales de pouvoir saisir au vol quelques reflets de la magie en cours sur scène.
Roméo et Juliette, Noureev, ballet en trois actes d’après William Shakespeare (création pour le ballet de l’Opéra de Paris le 19 octobre 1984)
Scène 3, Acte I : Le bal des Capulet
Générale, Opéra Bastille, Paris, 9 avril 2011
Et merci à mon père-noël personnel pour ces fêtes renouvelées 🙂
Je reviens tout de suite…
Lundi 28 février
Ne dirait-on pas que le doreur s’est absenté quelques instants seulement, laissant les bulles dorées se former au coin de l’établi ? Tous les ingrédients d’une nature morte précieuse et ambrée sont réunis.
Atelier de doreur, Viaduc des Arts
(Paris, février 2010)
Mire
Jeudi 6 janvier 2010, juste avant les douze coups de minuit
Comme prévu, ce calendrier de l’Avent étendu jusqu’à l’arrivée des Reyes Magos est arrivé à son terme, il va redevenir citrouille dans une minute !
Il reste encore beaucoup de textes fétiches dans mon carnet secret, et autant d’images à trier…
Je ne sais pas encore ce que va devenir Inventaire, imagier, reflet. Peut-être s’arrêtera-t-il là, peut-être reprendra-t-il sur un rythme ou un mode différent. Quoiqu’il en soit, les publications vont s’interrompre pour un bon mois, le temps que je retrouve un peu de calme et que je franchisse un certain nombre d’étapes dans « la vraie vie ».
Cercle chromatique un soir de pluie, sur les trottoirs de Saint germain des Prés
(Paris, août 2010)
Création
Dimanche 2 janvier
Une forte envie de reprendre le chemin de l’atelier, étaler les couleurs des coupons de tissus, chercher les ciseaux cachés sous des piles de cartons, renverser la boîte de boutons chatoyants, coller quelques perles par-ci, par là, un fil de laine, trois points de broderie, des images éparpillées sur le tapis, un pinceau joufflu trempé dans l’aquarelle …
À défaut, un détour par l’établi de Queneau où patientent plusieurs arts poétiques (encore une collection !) :
Bon dieu de bon dieu que j’ai envie d’écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit petit petit
Viens ici que je t’enfile
Sur le fil du collier de mes autres poèmes
Viens ici que je t’entube
dans le comprimé de mes oeuvres complètes
viens ici que je t’enpapouète
et que je t’enrime
et que je t’enrythme
et que je t’enlyre
et que je t’enpégase
et que je t’enverse
et que je t’enprose
la vache
il a foutu le camp
Raymond Queneau, L’instant fatal, 1948