Archives de mars, 2011

Irlande

Jeudi 31 mars

En clin d’œil à ma lectrice préférée (merci !), parce que c’est l’heure, un texte découvert par les oreilles, dans la traduction de Françoise Morvan si fidèle au gaélique de Synge.

Pegeen, la fille de l’aubergiste, se retrouve ici seule avec Christy Mahon. Ce dernier passe pour un héros fuyant la justice, pour avoir tué un père autoritaire dont les projets de mariage le concernant  ne lui convenaient pas.  Pourtant, le prétendu parricide se révèlera avoir parlé un peu vite, ce qui ne l’empêche pas de faire tourner toutes les têtes des filles, celle de Pegeen en premier lieu.

 

« PEGEEN (toute radieuse, lui essuyant le visage avec son châle) : Ah bien, t’es un crack, tu vas voir la grande vie que tu auras de ce jour-ci que tu as gagné toute cette masse de prix à suer comme ça dans le soleil de midi !

CHRISTY (la regardant avec ravissement) : J’aurais la grande vie si je gagne le prix d’honneur que je veux là maintenant, et ce prix, c’est ta promesse de se marier dans deux semaines, une fois nos bans publiés.

PEGEEN (s’écartant de lui) : Tu es bien hardi de venir me demander ça quand tout le monde savent que tu t’en iras retrouver une fille dans ton pays à quatre – cinq mois d’ici quand ton père sera vermoulu.

CHRISTY (indigné) : M’en aller de toi, tu dis ? (Il la suit) Non alors, je m’en irais pas, et quand l’air sera chaud, à quatre – cinq mois d’ici, c’est nous deux toi et moi qui s’en iront alors marcher sur le Neifin dans les rosées de la nuit, aux heures que les bonnes odeurs se lèvent, et peut-être bien tu pourras voir la lune nouvelle, toute petite et brillante, couler sur les collines.

PEGEEN (le regardant d’un air badin) : Et c’est cette espèce-là de cour de braconnier que vous me ferez, Christy Mahon, sur les flancs du Neifin, à la nuit tombée ?

CHRISTY : Tu seras pas longtemps à chercher si c’est un braconnier ou un comte en personne qui te fait la cour quand ça tu sentiras mes deux mains tout autour de toi et mes baisers qui écraseront tes lèvres plissées, tellement que j’aurais comme pitié du Seigneur qui est assis tout seul au fond de la nuit des temps sur son trône d’or.

PEGEEN : Une vraie fête que ça sera, Christy Mahon, et n’importe quelle fille marcherait à se fendre le cœur avant de trouver un jeune homme qui serait ta pareille pour l’éloquence, ou la moindre parole.

CHRISTY (encouragé) : Attends de m’entendre quand on sera dans la plaine d’Erris* à marcher au hasard après le Vendredi Saint**, s’arrêter boire au puits et s’embrasser très fort avec nos bouches mouillées ou bien jouer dans une trouée de soleil, et toi tu t’allongerais au milieu de ton collier dans les fleurs de la terre.

PEGEEN (à voix basse, émue par l’inflexion de sa voix) : Je serais jolie comme ça ?

CHRISTY (dans un transport de joie) : Les évêques mitrés te verraient dans ce moment, ils seraient pareils comme les saints prophètes, j’ai idée, qui écartent les barreaux des grilles du paradis pour mettre leurs yeux sur la belle dame Hélène de Troie, et elle, tout au loin, elle fait les cent pas, un bouquet de fleurs dans son grand châle d’or.

PEGEEN (avec une réelle tendresse) : Qu’est-ce que j’ai donc, Christy Mahon, pour mériter d’être le passe-temps qu’il faut à un pareil comme toi, avec un tel parler de poète, une telle bravoure de cœur ?

CHRISTY (à voix basse) : Ton cœur à lui tout seul il tient la lumière de sept ciels, et de ce jour-ci tu seras pour moi la lampe d’un ange quand ça je serai loin dans le noir à pêcher le saumon dans l’Owen ou le Carrowmore.

PEGEEN : Si je serais ta femme, j’irais avec toi durant ces nuits-là, Christy Mahon, et tu verrais comme je suis bonne pour amadouer les gardes ou forger des noms drôles aux étoiles de la nuit.

CHRISTY : Avec moi ? Pour prendre ta mort dans les grêles ou les brouillards de l’aube.

PEGEEN : Tous les deux, on irait vite s’abriter dans un buisson serré (avec un sursaut de frayeur), mais peut-être bien ça n’est que du parlage ce qu’on dit là, parce que, cette maison-ci, ça ferait une bien pauvre place à toit de chaume pour tenir dedans un beau garçon comme toi.

CHRISTY (l’entourant de son bras) : Je serais pas un bon chrétien, c’est sur mes deux genoux que j’irais dire mes prières à chaque brin de chaume du toit sur ta tête et à chaque galet de l’allée sous tes pieds.

PEGEEN (toute radieuse) : Si c’est la vérité, de ce jour-ci je brûlerai des cierges aux miracles de Dieu qui t’ont amené du sud aujourd’hui, et moi qui ait mes robes toutes prêtes achetées, je peux te marier là sans attendre.

CHRISTIE : C’est miracle et c’est vérité. Et tant de temps que j’ai passé à trimer là-bas, tant de temps à marcher, sans savoir d’en rien que tout ce temps-là je m’approchais de ce jour béni.

PEGEEN : Et moi, jeune fille, qui était souvent tentée de m’en partir sur les mers et de me marier avec un juif avec dix barils d’or, sans savoir d’en rien qu’y en avait un pareil comme toi qui s’approchait comme les étoiles de Dieu.

CRHISTY : Et dire qu’y a des années que j’entends des femmes parler ces paroles-là aux pires bon dieu d’idiots et que c’est la première fois que j’entends une voix pareille comme la tienne parler tout doucement pour mon plaisir à moi.

PEGEEN : Et dire que c’est moi qui parle doucement, Christy Mahon, moi qui suis la terreur des sept cantons avec la langue que j’ai. Ah bien, le cœur est un prodige, et j’ai idée que de ce jour-ci, nous deux, jamais nous n’aurons nos pareils dans le comté de Mayo comme galants amoureux. »

 

* Sur les flancs du Neifin, dans la plaine d’Erris : mont Neifin et plaine d’Erris à l’extrême ouest du Connaught.

** L’une des allusions scandaleuses de la pièce : le Carême est un temps de chasteté pour les catholiques.

 

John Millington Synge, Le baladin du monde occidental (le beau parleur des terres de l’ouest), traduction de Fraçoise Morvan, Actes Sud, « Babel », p. 230-233.


Envie d’embruns, d’iode et de brumes…

Jeudi 31 mars

Vol de mouettes et goélands au bord de l'océan, brumeux

Ragounite (Vendée), octobre 2009

 



Exercices de deuil

Lundi 28 mars

Dans l’Avent (le billet du 14 décembre) j’ai déjà raconté dans quelles circonstances j’avais rencontré les textes , le souffle d’Arnaud Cathrine. Ça avait commencé par Exercices de deuil, qui n’était pas encore présent ici. C’est un texte que j’aime, qui m’a touchée, que je réécoute avec plaisir et émotion mais j’ai beaucoup hésité sur le choix du passage et sur la pertinence d’en donner un extrait ici.  Seulement voilà, c’est une voix qui m’accompagne au fond de ma besace, il devait donc être là.

« Je me suis acheté un appartement à Potsdamer Platz. J’en ai pris pour quinze ans de remboursement. Ils ont tous trouvé ça incompréhensible ici. Dans le même temps, je me suis procuré un vélo pour sortir le soir à Kreuzberg, et voilà.

J’aimerais beaucoup t’emmener à Potsdamer Platz qu’ils jugent tous ignoble. Tu ne reconnaîtrais rien – l’avant saillant d’un paquebot de verre flotte près d’un gratte-ciel en brique rouge comme tu dois en voir partout à New York. Ils veulent en faire un quartier résidentiel et personne n’y croit. Sauf moi. Qui m’en fous à vrai dire, et me sens très bien au milieu de ce fatras délirant, couvert de grues et de gravats à longueur de temps.

L’immense terrain vague où nous déambulions des heures en répétant nos textes a disparu. J’y suis resté, délaissant la petite chambre de la Danziger Strasse que tu as connue.

 

Évidemment je regrette Penzlauer Berg, le bar de la Kultur Brauerei où nous nous attardions des heures, les yeux collés à la haute cheminée d’ancienne brasserie, enchaînant les pintes à un rythme qui, des années plus tard, nous aurait laissés bedonnants. Helmholtz Platz me manque, ses grands arbres et ses innombrables terrasses de café ; le tram aussi, qui nous ramenait le soir, les yeux lourds mais le cœur allégé par l’ivresse.

À Potsdamer Platz, j’ai l’impression d’avoir quitté Berlin, moi aussi. Mais je ne pouvais pas rester sans toi.

Ils me jugent comme ils t’ont jugé – une sorte de traître qui a quitté son pays, un exilé quine ressent pas le moindre désir d’y retourner.

 

Et qu’as-tu trouvé à New York ? As-tu seulement trouvé ?

 

Un matin, j’ai été tenté de te rejoindre. Je me suis imaginé dénichant ton adresse américaine. On prenait un billet pour San Francisco, on se louait une chambre bon marché et on dévalait les pentes de la ville jusqu’aux plages de galets embrumées.

Moi aussi, j’aimerais bien voir un autre ciel que celui de Berlin. Je me contente de rouler à vélo dans Tiergarten. Je récite mes textes seul.

Mais après tout, que vois-tu du ciel à New York ? »

Arnaud Cathrine, Exercices de deuil, « Potsdamer Platz (Berlin) »,

Verticales, collection « minimales », 2004, p. 21-23.


Mélancolie en noir et blanc

Lundi 28 mars

Jeune homme en veste noire juché sur une colonne de Buren, 3/4 dos

Palais Royal (Paris, 1er), juillet 2010


Vango Romano

Lundi 21 mars

Pour célébrer tout à la fois le printemps, une nouvelle année et la chance que j’ai de baigner tous les jours, le temps d’un stage, dans la littérature de jeunesse (que je me suis remise à dévorer allégrement), voici un court portrait d’enfant. Vango Romano, dont on suit avec délice les aventures autour du monde dans le roman éponyme, est mystérieusement élevé à l’écart du monde sur les pentes du Stromboli, dans les îles Éoliennes.

« Vango poussa sur la pente de ce volcan éteint.

Il y trouva tout ce dont il avait besoin.

Il grandit avec trois nourrices : la liberté, la solitude et Mademoiselle. A elles trois, elles firent son éducation. Il reçut d’elles tout ce qu’il croyait possible d’apprendre.

A cinq ans, il comprenait cinq langues mais ne parlait à personne. A sept ans, il grimpait les falaises sans avoir besoin des pieds. A neuf ans, il nourrissait les faucons qui plongeaient sur lui pour manger dans sa main. Il dormait torse nu sur les rochers avec un lézard sur le cœur. Il appelait les hirondelles en sifflant. Il lisait des romans français que sa nourrice achetait à Lipari. Il montait en haut du volcan pour se mouiller les cheveux dans les nuages. Il chantait des berceuses russes aux scarabées. Il regardait Mademoiselle couper les légumes avec des facettes impeccables, comme on taille des diamants. Puis il dévorait sa cuisine de fée. »

Timothée de Fombelle, Vango : Entre ciel et terre (tome 1), Gallimard jeunesse


Naissance

Lundi 21 mars

Parmi les nombreux graphes qui fleurissent et que je suis comme des pistes dans la ville, de nouveaux « areuuh » (vous savez, le bébé peint au trait blanc, dans diverses positions in utéro, déjà aperçu à Belleville et à Saint Germain) sont apparus il y a quinze jours dans le quartier latin. Outre celui qui dort tranquillement à l’entrée de la rue Champollion, celui qui suce son pouce boulevard Saint Michel, le petit qui se recroqueville sur une souche place Saint Michel et celui qui s’étale au croisement de la Rue de la Harpe et du boulevard Saint Germain malgré le passage incessant, j’ai un faible pour celui qui se niche dans une « alvéole » du Pont Neuf, ces petits arcs garnis de bancs qui accueillent souvent les amoureux et sert de cadre à des milliers de touristes photographe englobant de là dans un même cliché la tour Eiffel, un bateau mouche, le dôme de l’Institut et le pont des arts… Double coquille protectrice et courbe, surplombant l’élément liquide avec vue sur Paris,  pas mal comme mise en scène, non ?

Dessin de Arreuh dans une "alvéole" du pont neuf

« Areuuh »,  Pont Neuf

Paris (1er) , mars 2011


Un conte au théâtre

Lundi 14 mars

Joël Pommerat confie en fin d’ouvrage avoir écrit cette pièce pour intéresser sa fille, Agathe, sept ans, à son travail sur le plateau des théâtres. Il a alors choisi de réécrire le Petit Chaperon Rouge, fasciné depuis toujours par ce conte, auquel se mêlaient des souvenirs de récits d’enfance de sa propre mère. Il pressentait aussi qu’Agathe pourrait se retrouver dans le personnage de la petite fille.

J’ai eu l’occasion de voir cette pièce aux Ateliers Berthier – théâtre de l’Odéon, qui avait repris le Pinocchio et Le Petit Chaperon Rouge pour les fêtes de fin d’année… des spectacles qui ne sont peut-être pas pour les tous-petits, mais devant lesquels parents et enfants trouvent leur compte, avec plusieurs niveaux de lecture.

C’est le début de la pièce et c’est

L’HOMME QUI RACONTE

Il était une fois une petite fille qui n’avait pas le droit de sortir toute seule de chez elle

ou alors à de très rares occasions

donc

elle s’ennuyait

car elle n’avait ni frère ni sœur

seulement sa maman

qu’elle aimait beaucoup

mais ce n’est pas suffisant.

Alors elle jouait

elle jouait

elle jouait

seule

toute seule.

Elle aurait aimé jouer davantage avec sa mère.

Mais le temps manquait à sa mère pour pouvoir jouer avec elle.

Sa mère disait toujours : le temps me manque.

Il me manque du temps.

Je n’ai pas le temps de jouer avec toi.

La petite fille un jour avait voulu faire un cadeau utile à sa maman

lui offrir du temps

elle lui avait dit : tiens je te donne du temps maman

mais sa mère ne s’était même pas rendu compte du cadeau que lui faisait sa petite fille et tout était resté comme avant.

Parfois la petite fille cherchait par tous les moyens à se faire remarquer mais toujours la maman de la petite fille était tellement occupée qu’elle ne voyait même plus sa petite fille. La petite fille, elle, voyait sa maman, mais sa maman, elle, ne voyait pas sa petite fille.

C’était exactement comme si la petite fille était devenue oui invisible.

Heureusement ce n’était pas tous les jours comme cela.

Certains jours la maman de la petite fille prenait le temps de jouer un peu.

Le jeu préféré de la petite fille c’était quand sa maman jouait à lui faire monstrueusement peur.

C’étaient les jours où la maman de la petite fille avait un peut de temps et où elle était de bonne humeur.

La maman jouait à faire la bête monstrueuse.

Elle faisait tellement bien cela que la petite fille finissait toujours par supplier sa maman de ne plus le faire.

Ne le fais plus disait-elle à sa maman

mais.

Une minute plus tard elle lui redemandait de le faire.

Oui des fois elle criait même

tellement elle avait peur

peur de sa maman qui faisait la bête, la bête monstrueuse.

La petite fille n’aimait pas avoir peur.

La petite trouvait que sa maman était vraiment belle même quand elle devenait une bête.

(…)

[10 pages plus loin, la petite fille a obtenu l’autorisation de sa maman d’aller toute seule chez sa grand-mère lui porter un flan qu’elle a réussi à cuire sans aide. La voilà en chemin dans la forêt, et elle commence à s’inquiéter un peu d’être si seule si loin de chez elle, mais elle continue, aiguillonnée par le désir de paraître une très grande fille « peut-être même déjà un peu femme ». C’est toujours « l’Homme qui raconte »] :


En chemin

la petite fille entendait ses pas résonner sur la route.

Et elle voyait la maison de sa maman et sa maman au loin devenir de plus en plus petites.

Elle était toute seule sur la route maintenant

et elle entendait ses pas résonner.

Il n’y avait plus que son ombre à côté d’elle

son ombre

avec laquelle elle pouvait se sentir encore un peu en sécurité.

Une ombre très belle qui ressemblait par chance un peu à sa maman.

Cette ombre c’était une ombre très jolie

qui la rassurait beaucoup car elle était évidemment un peut plus grande qu’elle.

Le seul problème c’est que cette ombre n’était visible que lorsque le soleil réussissait à passer à travers les grands arbres.

Quand les arbres ne laissaient pas passer le soleil alors cette ombre disparaissait et la laissait toute seule.

(…)

Elle se baissa pour ramasser une petite fraise et la manger en faisant bien attention de ne pas renverser son flan qui était très mou

et vit un écureuil et d’un coup elle se sentit vraiment heureuse d’être là sur la route.

Elle vit également que son ombre était revenue.

elle n’avait plus besoin d’être rassurée car sa peur s’était envolée mais elle était bien contente

quand même de pouvoir voyager accompagnée.

Est-ce que tu vas rester avec moi pendant tout le chemin ?

Avec moi ? dit la petite fille.

Je ne sais pas, dit l’ombre, si tu vas dans le bois sous les grands arbres où il fait sombre presque nuit alors je ne pourrai plus t’accompagner.

Alors je n’irai pas sous les grands arbres, dit la petite fille, comme ça nous resterons ensemble jusqu’à la maison de ma grand-mère.

Et elles continuèrent à avancer sur la route

en continuant à bavarder entre elles comme si elles se connaissaient depuis toujours.

La petite fille eut l’impression que cette ombre avait envie de jouer avec elle.

Pour jouer, elle se mis à essayer de la surprendre. Avec des mouvements de plus en plus inattendus, mais cette ombre n’était vraiment pas si simple à surprendre. Très vite même ce fut l’ombre qui surprenait la petite fille. Et au bout d’un moment ce fut la petite fille qui demanda à l’ombre d’arrêter le jeu, tellement le jeu finissait par la fatiguer.

Cette ombre était vraiment plus rapide et souple qu’elle. Elle pensa même qu’elle se trouvait vraiment lourde en comparaison. Cette ombre était vraiment la plus légère chose qu’elle n’ait jamais rencontrée.

Sans vraiment s’en rendre compte la petite fille s’était un peu avancée sous les arbres, et à la place de son ombre elle ne voyait plus maintenant que des petits insectes qui lui volaient autour.

Elle aperçut aussi deux grands yeux qui avaient l’air d’observer dans sa direction.

Elle pensa qu’elle n’avait jamais rien vu d’aussi beau et elle eut tout de suite envie de s’approcher.

Ce n’était pas une chose ordinaire quelle avait devant elle.

C’était même vraiment une très belle chose cette chose qu’elle avait devant elle.

La petite fille pensa qu’elle avait peur, c’est vrai, mais que cette chose ne ressemblait en rien à la bête monstrueuse qu’elle s’attendait à rencontrer dans les bois, comme le lui avait prédit sa maman, au contraire.

Elle s’approcha.

Elle s’approcha encore.

Elle s’approcha encore et t encore.

Elle s’approcha encore et t encore et encore.

Elle se dit que c’était même un peu agréable d’avoir un petit peu peur de quelque chose qui avait l’air d’être aussi vrai.

Elle se mit à parler.

Et elle eut l’impression que cette chose qui avait l’air d’être un animal, ressemblant finalement un peu à un vrai loup, lui répondait. »

 

Joël Pommerat, Le Petit Chaperon Rouge : théâtre,

publié chez Hekoya jeunesse – Actes Sud Papiers, pages 7-9 et 17-21


Rouge !

Lundi 14 mars

Petite fille de dos toute de rouge vêtue

Le Petit Chaperon Rouge du parc Monceau

(Paris, Automne 2009)