Archives de juin, 2011

Imaginons…

Lundi 27 juin 2011

Je vous avais promis une rencontre avec le Chevalier Guiromelan de Wilfrid…. Voici le personnage qui s’avance, venu du fond des légendes et de la mémoire d’enfant.

Nous sommes revenus au début de la pièce, Wilfrid sort de l’hôpital où il est venu reconnaître son père, mort.


Jour.

WILFRID. Excuse-moi, tout à l’heure à la morgue, je ne voulais pas être bête.

LE CHEVALIER. Ça va. Je ne l’ai pas pris personnel. Tu vis des moments difficiles.

WILFRID. Tu n’es comme pas arrivé au bon moment.

LE CHEVALIER. Mais t’es drôle, toi, c’est toi qui me fait venir !

WILFRID. Mais quand je te dis va-t’en, va-t’en !

LE CHEVALIER. Excuse-moi mais moi quand on m’appelle, on m’appelle, je ne fais pas des allers-retours. Quand j’arrive, je reste. Faut faire avec. Je ne suis peut-être pas commode, mais d’un autre côté, je n’ai jamais manqué aucun de tes appels, non ?

WILFRID. Non, c’est vrai ! Mais quelque chose ne tourne plus rond. Quand j’ai vu le cadavre de mon père, j’ai eu l’impression de voir un costume qui ne sert plus à rien et moi je devais dire : oui, c’est bien le costume que mon père portait. Une tarte à la crème en pleine face : il y a de quoi pleurer.

LE CHEVALIER. Quand tu étais petit, nous combattions les monstres qui étaient cachés dans le couloir qui menait à la cuisine, quand, en pleine nuit, tu te levais pour aller boire un verre d’eau. Un monstre, c’est gros, c’est laid, c’est facile à combattre et nous sortions toujours vainqueurs. Aujourd’hui je suis un chevalier fatigué qui ne sait plus contre quoi il doit cogner son épée. Tu as grandi, Wilfrid, et les monstres sont devenus beaucoup trop forts. Mon épée ne suffit plus à te réconforter.

WILFRID. Je ne sais même plus qui je suis. Comment veux-tu que je sache ce qui me fait mal. Quand tu es petit, c’est pas difficile, tous les enfants ont peur de la sorcière ou du monstre noir de l’espace sidéral. Mais maintenant ? Qu’est-ce qui me fait mal ? Je n’en sais tellement rien. J’ai mal et c’est tout. Et tout le monde a mal, et tout le monde s’en fout ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Ma mère est morte en me mettant au monde, mon père est mort pendant que je baisais comme un perdu ! A moi tout seul j’ai inversé le jour avec la nuit et la nuit avec le jour en tuant ma mère pour coucher avec mon père ; il n’y a plus de sens à rien depuis Dringallovenezvotrepèreestmort, alors non, ton épée ne peut plus rien contre ça, et pour te dire ce que je pense et te le dire comme je le pense, je t’avoue que je ne sais pas par quel miracle je continue d’avoir assez d’imagination pour croire en toi, mais si tu m’abandonnes, il ne restera au fond de moi qu’un trou sans fond dans lequel je n’aurai plus qu’à tomber.

LE CHEVALIER. Je ne t’abandonnerai jamais.

WILFRID. Et moi, je ne t’oublierai pas.

LE CHEVALIER. Comment pourrais-tu m’oublier ?

En m’oubliant tu me donnerais la mort.

Wilfrid, je te fais une promesse de chevalier :

Au-delà de nos catastrophes de cœurs,

Nous resterons fidèles l’un à l’autre.

Mon amitié pour toi es si grande

Que malgré toi

Je resterai ta force.

Ton amitié est si claire

Que tu n’as qu’à ouvrir la bouche

Pour que moi,

Pauvre rêve,

Je parte en voyage.

Wilfrid,

Rien n’est plus fort que le rêve qui nous lie à jamais.

Wajdi Mouawad, Littoral (Ici, 6. Promesse, p. 21-22, Léméac Actes Sud-Papiers)


Capuchon, pelle, râteau

Lundi 27 juin 2011

2 enfants jouant sur des rochers, bord de mer

Pêche à la crevette, attirail de plage, postures enfantines, bottes à éclabousser, encapuchonnés

Noirmoutier, février 2009


Le pouvoir d’agir

Lundi 20 juin 2011

Encore un peu de Littoral… En cherchant l’extrait de la dernière livraison, je l’ai relu, encore… et j’ai décidé, pour préparer les vacances, qu’elles soient océanes ou non, de faire une petite session Mouawad, un parcours qui n’aura rien de chronologique dans l’aventure de Wilfrid et de son père, un parcours à travers des scènes tragiques mais drôles, oniriques mais solidement ancrées dans notre Terre et qui toutes ont en commun de me toucher profondément…

Dialogue nocturne entre le père (de Wilfrid, mort) et le chevalier (de Wilfrid aussi, nous ferons sa connaissance plus tard) quand survient… la voix (Joséphine).

Nuit noire.

LE PÈRE. Ah ! rêve !

LE CHEVALIER. Ah ! mort !

LE PÈRE. Nous ne sommes rien, chevalier, nous ne sommes rien ! C’est ce que nous cherchons qui est tout. Parole de mort.

LE CHEVALIER. Facile à dire. Mais pas facile à faire. Parole de rêve.

LE PÈRE. Ça marche : ils dorment tous.

LE CHEVALIER. Quel calme tout à coup.

LE PÈRE. C’est vrai qu’un mort qui parle à un rêve, ça ne doit pas être très bruiant.

LA VOIX. Mira Abou-Castelhalim, Mika Abou-Castelhalim, Jean Abou-Castelhalim, Charlotte Abou-Castelhalim.

LE CHEVALIER. Tu entends ?

LA VOIX. Abiel Bakir et sa femme Isabelle Bakir née Balaade. Leur trois enfants, Lahcen, Patrick, Tewfik, Miro Digdanne, Marie-Ève Digdanne, Mahmoud Digdanne, Lorraine Digdanne, Rita Digdanne, Alain Éléonore, Gilles Éléonore, Maryse et Yann Fortunato, Jean Ismert, Sarah Ismert, Mahbouba Marinia, Emmanuel Marinia, Rafik Marinia, Elham Marinia, Manon Marinia, Lorient Loriano, David Nana, Catherine Nana, Claude Nana, Nayla Na, Naji Na…

LE CHEVALIER. Qu’est-ce qu’on fait ?

LE PÈRE. Qu’est-ce que tu veux faire ? Moi je suis mort et toi tu n’existes pas !

Wajdi Mouawad, Littoral (Chemin, 34. Songes et murmures, p. 79-80, Léméac Actes Sud-Papiers)


L’homme sans tête

Lundi 20 juin 2011

Silhouette peinte sur un mur tenant sa tête au bout d'un fil comme un ballon gonflé à l'hélium

Peinture de rue, Valencia (Espagne), décembre 2010

Rêve, spectre, cauchemar, surréalisme ?

Si seulement parfois la conscience pouvait se mettre en off, se détacher du corps…


Cérémonie

Lundi 6 juin 2011

Dans la dernière partie de cette pièce magnifique (à lire, à voir, à écouter) qu’est Littoral, Wilfrid laisse ses compagnons de route faire le deuil de leurs pères respectifs en leur abandonnant le corps du sien, après lui avoir fait ses adieux et avant de le consacrer « gardien du troupeau ds noms » au fond de la mer, son dernier refuge. 

Il est difficile de donner un extrait, de couper ce texte. Il s’agit juste ici d’un avant goût, de quelques grains de sable d’une plage immense à aller arpenter, sentir, aimer.

Wilfrid sort.

Amé, Sabbé et Massi lavent le corps du père.

LE PÈRE. Ah ! Si j’étais un oiseau blanc au dessus de la mer. Je m’en irais me plonger dans les replis de la lumière.
Je connaîtrais la véritable solitude,

Je saurais enfin où vont les nuages,

Je verrais les grands glaciers

Avancer ensemble vers les lieux inconnus.

Je serais dans le secret des choses anciennes.

Wajdi Mouawad, Littoral (Littoral. 44. Récitatif III, p. 98, Léméac Actes Sud-Papiers)


Douches

Lundi 6 juin 2011

douches, plage, hiver

Plage de Malvarrosa, Valencia (Espagne), décembre 2010